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Au regard de ce qui a pu être
constaté par le passage des médecins français ayant
séjourné à Timia il s'en dégage plusieurs
points.
Sur le plan infectieux
De nombreux cas de rhino-pharyngites, banales, mais se compliquant souvent
de bronchites lors des mois de janvier février en raison du décalage
thermique entre le jour (25 à 30°) et la nuit (0 à
5°), surtout chez la population vivant en brousse qui ne possède
que des abris précaires fait de nattes, n'ont pas toujours de
couvertures pour la nuit (aucune activité de tissage chez les
touaregs) et pas toujours assez de bois pour se chauffer. Ces bronchites
survenant chez une population parvenant tout juste à se nourrir
peuvent perdurer et être fatales.
Des poussées fébriles que la population met systématiquement
sur le compte du paludisme
selon le précepte suivant : toute fièvre doit faire évoquer
jusqu'à preuve du contraire le diagnostic de paludisme, ce qui
n'est pas toujours exact, mais aboutit à une surconsommation
de nivaquine pouvant être génératrice de résistance
à long terme. Le paludisme étant plus souvent apporté
par les déplacements (sachant que les Touareg restent des nomades)
que par la présence d'eau à Timia (quelques mares d'eau
stagnante après les pluies, c'est-à-dire en moyenne trois
à quatre jours par an).
Des diarrhées,
quelquefois sanglantes, le plus souvent bénignes mais affectant
dangereusement les enfants en bas âge qui y laisse un lourd tribut.
Sur le plan digestif
De très nombreux cas de douleurs gastriques (pratiquement toute
la population, de façon plus ou moins chronique) que l'on peut
mettre sur le compte de leur mode de vie : les touaregs mangent souvent
accroupis, rapidement (le repas ne dure que quelques minutes), une alimentation
peu diversifiée (mil pilé et bouillie de mil surtout,
dattes et fromage de chèvre plus ou moins fermenté quelquefois)
repas toujours suivi de thé, très fort, très sucré.
Il est vraisemblable que la conjonction de ces divers facteurs contribuent
à provoquer des gastrites et des oesophagites.
Les cas de constipation sont contrairement à ce que l'on pourrait
croire dans ces régions, très fréquents, plutôt
l'apanage des femmes d'ailleurs, s'accompagnant de ballonnements et
de douleurs abdominales ; là encore le rôle de l'alimentation
(féculents exclusivement, responsables de phénomènes
de fermentation intra intestinale) est prépondérant. Les
femmes du village semblent plus touchées que celles vivant en
brousse (qui marchent beaucoup plus).
Sur le plan pulmonaire
s'il n'existe que de rares cas de bronchite chronique ou d'insuffisance
respiratoire, en revanche les cas d'asthme sévère sont
fréquents aggravés par les vents de sable).
Sur le plan cardiovasculaire
en revanche on ne trouve que très peu de cas d'hypertension artérielle
(HTA), d'angine de poitrine ou de séquelles d'accidents vasculaires
cérébraux (population très active sur le plan physique,
avec une alimentation peu riche en graisse, ne fumant pas, ne buvant
jamais d'alcool). De plus l'HTA, qui ne donne pratiquement jamais de
symptômes n'est pas la priorité pour une population luttant
pour sa survie ! En revanche on peut rencontrer plus souvent qu'en Europe
des malformations cardiaques qui sont dans cette région au-delà
de toute possibilité de prise en charge.
Beaucoup de cas de maux de tête notamment chez les bergères
et les jardiniers (impact du soleil) ainsi que de migraines typiques.
Sur le plan cutané
- Nombreux cas d'eczéma
plus ou moins étendus, touchant autant les enfants que les
adultes quelquefois infectés s'expliquant par une nature
de peau sèche, un climat sec, et de conditions d'hygiène
précaires. - Nombreux cas d'impétigo, surtout chez les enfants, pour les mêmes raisons. - Nombreux cas d'abcès (blessures aux pieds par épines d'acacia qui jonchent un sol sablonneux chez une population marchant le plus souvent pieds nus), anthrax, furoncles. - Nombreux cas de brûlures, dues aux foyers de braises, aux incendies d'abris en brousse (rôle du vent) et aux nombreux enfants jouant près des foyers. - La teigne fait son apparition par petites épidémies, régulièrement. |
Sur le plan rhumatologique
la plus grande partie de la population effectuant des travaux physiques
et ce depuis le très jeune age, celle-ci se trouve exposée
rapidement aux douleurs articulaires touchant en priorité les
genoux, les épaules, la colonne vertébrale : jardinage,
confection du banco pour les constructions, pillage du mil chez les
femmes. Ces activités, ainsi que l'obligation d'effectuer de
grandes distances à pied, leur procurent une grande souplesse
de toutes les articulations mais sont néanmoins pourvoyeuses
de douleurs chroniques. Or, leur survie dépendant de leur travail,
ils doivent " faire avec ".
Sur le plan ophtalmologique
la plupart des touaregs souffrent d'irritations conjonctivales et cornéennes
chroniques, dues à une poussière omniprésente,
et au vent soufflant fréquemment dans les vallées de l'Aïr.
L'ensoleillement violent est également responsable de survenue
de cataractes précoces. Enfin le trachome (parasite infectant
la cornée) provoque des douleurs oculaires insupportables et
évolue en quelques mois vers la cécité par opacification
de la cornée, à tout age.
Pose d'une attelle à une jambe cassée sur un garçon qui a fait une chute de chameau. |
Nous avons vu plusieurs fractures consolidées spontanément au prix de cals osseux volumineux limitant parfois certains mouvements et source de douleurs chroniques, résultant soit de consolidation spontanée, soit de techniques d'immobilisation rudimentaires (les attelles sont faites en carton !). |
Sur le plan urinaire
il existe de nombreux cas d'infections urinaires basses chez les femmes,
comme en Europe, mais en revanche de nombreux cas d'urétrites
chez les hommes. Il est vraisemblable qu'il existe un nombre non négligeable
de cas de bilharziose
(sang dans les urines chez de nombreux enfants, garçons essentiellement,
en raison de bain en eau stagnante)
Sur le plan gynécologique
quelques cas de règles douloureuses, de kystes ovariens, de surinfections
vaginales, bénignes le plus souvent. Il existe de plus en plus,
malgré les traditions, une demande de contraception de la part
des femmes touaregs ; à ce propos il est bon de signaler que
les grossesses sont très rapprochées (en moyenne une dizaine
par femme), ce qui les épuisent (carence en fer notamment) et
les amènent à ne plus pouvoir fournir de lait assez longtemps.
Quant aux accouchements, ils se passent souvent bien : heureusement,
car en cas de complication il faut 8 à 10 heures de transport
pour gagner l'hôpital. La sage femme peut perfuser si besoin (hémorragies).
Malnutrition
Les enfants en bas age peuvent présenter des
états de malnutrition pour des raisons diverses : - Insuffisance d'allaitement maternel (tarissement prématuré) et non possibilité de leur donner d'autre lait que le lait de chèvre, non adapté à leur besoin, enfants trop jeunes (4 mois) pour pouvoir assimiler de la bouillie de mil qui par le passé avait permis de récupérer certains d'entre eux (ce phénomène est récent, pour des causes encore non expliquées). - Déshydratation par vomissements et diarrhées d'origine infectieuse. - Mycoses digestives (muguet) responsables d'un refus de téter. |
Préparation de la bouillie traditionnelle pour les enfants malnutris |
Distribution de brosses à dents aux enfants de l'école et conseil d'hygiène dentaire |
L'état dentaire n'est pas optimal, en raison d'une alimentation riche en dattes et en féculents, en sucre (dans le thé) et le fait que l'hygiène dentaire n'est pas leur motivation principale. |